Maintenant que vous maîtrisez parfaitement le Switch cast et le spey simple, il est temps de passer d’ajouter une nouvelle composante de liberté à votre lancer. Il s’agit d’une part de vous donner de nouvelles possibilités dans vos choix de lancers, et, d’autre part, de vous entraîner dans la troisième dimension. Le Switch cast utilise une plus grande amplitude que le lancer classique dans la mesure où il oblige à sortir d’un plan bidimensionnel pour créer la D Loop sur le côté. Le lancer reste quand même orienté nord-sud. Le C Cast va nécessiter une incursion latérale et donc, cette fois, va explorer les quatre points cardinaux.
Avant de continuer, je voudrais juste faire une mise au point sur mon choix de faire pratiquer le C Cast avant le spey double. Si le spey double semble plus facile, il est, à mon humble avis, bien plus compliqué qu’on veut bien le croire. La raison de cette difficulté est la prémisse qui veut que la soie soit tendue en aval du pêcheur. Cela oblige à le pratiquer d’un côté de la rivière et un courant suffisant pour « préparer» la soie. Ces deux nécessités on un impact direct sur le poser initial, ce qui le rend bien plus délicat et problématique qu’on ne le croit. Je reviendrai sur ce sujet dans le chapitre consacré au double spey .
Le C Cast n’a pas ces contraintes drastiques d’emplacement. Il est aussi efficace et facile à pratiquer en eau calme, c’est le lancer de rattrapage par excellence. Quelque soit la position de la soie, qu’elle soit tendue ou serpentiforme, qu’elle soit en aval ou en amont, on peut toujours la replacer avec un C Cast. Par contre, il ajoute une nouvelle « manœuvre » très différente de celles que vous connaissez déjà et va donc nécessiter encore quelques efforts.
Comme je l’ai dit, tout finit toujours par un Switch Cast et tout commence toujours par le décollement de la soie de l’eau. Le mouvement intermédiaire va se trouver dans un plan perpendiculaire à ces deux actions.
Donc la canne se trouve à 10 h, la soie est tendue entre le sillon et la ligne encore dans l’eau et je vais faire un C avec la canne. Mais le C doit être à l’envers !
J’en profite pour introduire un petit truc très utile : l’amorce de votre mouvement détermine l’épaule au-dessus de laquelle vous allez lancer. Je m’explique si je fais un C, ma canne commence par aller vers la gauche et je vais donc lancer au-dessus de l’épaule gauche. Si je fais un C à l’envers, l’amorce de mon mouvement se trouve vers la droite et je finirais donc mon mouvement avec un switch cast au-dessus de mon épaule droite donc un coup droit. Bien sûr, pour l’instant et avec une canne à une main nous pratiquons surtout le coup droit, mais il ne vous faudra pas longtemps pour attraper le vice et lancer aussi bien des deux côtés.
C’est un peu ridicule, mais dans le C Cast on fait un D. On monte pour faire la ligne verticale et on descend pour faire la boucle. Il est évident que si on avait appelé ce lancer le D Cast, cela aurait certainement créé une confusion certaine avec la D Loop. Au moins ce n’est pas trop difficile à retenir pour faire un C Cast, il faut faire un D. Si je voulais vous embrouiller, je dirais même qu’il faut faire un U ou un D avec un gros ventre. Mais comme une patte est plus longue que l’autre, ce serait plus un «L». oui, mais avec la première jambe qui commence plus bas, dans ce cas-là, c’est un P. Je rigole ! On ne va pas passer toutes les lettres de l’alphabet, un C cast c’est un C … à l’envers.
Que va-t-il se passer ? Quand le sillon va commencer à naviguer horizontalement dans la branche supérieure du C, le bas de ligne va être extrait de l’eau et se diriger vers la canne, tiré dans ce sens par l’effet ressort de la canne. C’est le moment où la canne va se mettre à dessiner le fameux C sur un mur qui vous ferait face. La canne reste perpendiculaire ou presque à l’axe des épaules. Le bas de ligne continue sa trajectoire montante et diagonale. C’est le moment d’accélérer et la soie se déroule dans l’axe du C et vient s’étendre, sur l’eau, parallèlement à l’axe des épaules. Votre mouvement se termine avec la canne qui pointe vers votre gauche. Le but de ce nouveau petit jeu est d’amener la mouche à la place qu’elle occuperait si vous aviez fait un single spey. Je vais finir le mouvement pour que vous compreniez cette indication. Donc la soie est étendue devant vous perpendiculairement à votre lancer. La canne est horizontale, le sillon proche de l’eau et pointe vers 10 h sur une horloge horizontale dont vous seriez le centre.
L’étape suivante est de créer la D Loop sur votre côté droit. Donc la canne va faire un mouvement tournant et monter vers sa position de 11 h. La canne reste près de l’eau tout le temps où elle est en avant et à gauche et monte progressivement dès qu’elle passe le centre. Ce mouvement ascendant fait décoller la soie et va la projeter en D Loop, mais, plus important encore, elle va charger la canne.
Mais qu’advient-il du bas de ligne et c’est là toute la magie du C Cast, mais aussi toute la magie de l’ancrage. Si, comme je l’ai dit la mouche est à sa position finale, le bas de ligne va se soulever et tourner autour d’elle comme autour d’un pivot et venir se placer dans le prolongement de la soie. Je sens des regards incrédules !
Prenons le problème sous un autre jour. Comme nous l’avons vu et revu pour le switch cast et le spey simple, la soie et le bas de ligne doivent se trouver étendus et tendus pour que le lancer réussisse. Si, dans notre nouveau mouvement, le bas de ligne était resté dans l’axe du C, comme après le premier mouvement, il serait alors perpendiculaire à la soie. Ce serait exactement le cas du « bloody L », faute impardonnable du switch cast.
Il faut que le bas de ligne sorte de l’eau et il va falloir littéralement vous appuyer sur l’adhérence additionnelle de la mouche pour faire tourne le bas de ligne sans la déplacer. Comme ça, à froid, cela semble littéralement impossible, mais cela se passe très bien. C’est peut-être ma façon de tout mettre à plat qui rend la description plus compliquée que l’action. Honnêtement quand nous allons voir le Snake Roll, là on parlera d’un lancer qui demande une vraie maîtrise de la soie.
Je reprends. Ma soie est étendue devant moi, perpendiculaire à mes épaules. Je lève la canne pour rompre l’adhérence et je fais un grand C, inversé, qui part horizontalement, vire vers le bas à ma droite, revient horizontalement devant moi et vient finir à ma gauche. Ma soie se trouve étendue devant moi, mais perpendiculairement à sa position de départ. La première difficulté se trouve dans le C. Si je le fais trop petit et que je ne tourne pas assez vite, le bas de ligne reste collé et si la soie tourne quand même, c’est pour jouer à la corde à sauter avec les poissons. Si je descends trop vite la soie va être projetée à ma droite et va finir en pelote plus ou moins loin.
Le truc est simple : au départ, appliquez-vous à faire un grand C en partant doucement et horizontalement pour rompre l’adhérence. Dès que le bas de ligne a quitté l’eau, accélérez pour « redresser » la ligne, c’est-à-dire la mettre perpendiculaire à la canne. Ensuite, ne vous arrêtez pas à l’aplomb du point de départ, passez largement à gauche ce qui veut souvent dire de finir en arc de cercle. Puisque la canne est dans la main droite et qu’il n’est pas question de croiser les bras, vous pouvez, en effet, déposer la soie en arc à partir de la perpendiculaire à votre corps. Cela n’aura aucun effet négatif, puisque souvenez du mouvement suivant : il va repartir au raz de l’eau et cette disposition assurera que vous avez une tension constante sur le sillon.
Il faut bien comprendre comment l’accélération est utilisée. Entendons nous bien il ne s’agit pas de vitesse, mais bien d’accélération. Comme vous le savez, il est impossible de passer d’une vitesse nulle à une vitesse élevée, il faut donc accélérer. Pourtant il ne s’agit pas non plus d’une accélération exagérée. L’accélération est progressive et doit avoir un pic de vitesse au moment opportun. Pour prendre une image, vous avez dessiné une virgule dans l’air. Au début de la virgule, vous appuyez pour faire le point et vous accélérez pour faire la queue. Là, vous forcez pour arracher la soie et vous accélérez pour l’aligner.
Juste pour être sûr que vous comprenez bien quand je dis « aligner ». Comme je l’ai expliqué dans les propriétés de la soie, sa rigidité relative permet de faire de telle sorte qu’un mouvement dans une direction donnée va se propager tout au long de la soie. Mais la partie la plus intéressante, c’est qu’un mouvement plus important que les autres va prendre le dessus. Dans le cas présent, la soie est arrachée de l’eau et donc son mouvement primaire est un mouvement vers la canne, mais la volte imprimée par la canne va prendre le pas et la soie va donc suivre et ne plus faire que le mouvement linéaire et perpendiculaire à la canne. Cela n’est vrai que si la volte est plus rapide que le mouvement de traction bien sûr. Autre point important, il restera des ondes résiduelles qui, à la fin du mouvement principal, pourront donner des finales frétillantes. Je souligne, encore une fois, qu’il va falloir doser la rotation pour qu’elle se positionne à la meilleure place, mais aussi, qu’elle prenne le pas sur les autres attractions et, tout cela, sans faire trop de bruit en claquant dans l’eau, ni vous fatiguer exagérément.
Donc, maintenant, votre soie est étendue devant vous prête à tout ! Ce n’est pas la simplicité directe de la soie étendue dans le sens où vous vouliez la lancer, mais c’est une position stable. C’est surtout une position facile à reproduire ! Par contre la difficulté c’est comme je l’ai dit cette nouvelle composante tridimensionnelle : la soie est perpendiculaire à l’axe du lancer. Il va donc falloir composer l’art difficile de créer une D Loop digne de ce nom et un mouvement à angle droit. Cela ressemble au fameux fusil à tirer dans les coins. Mais vous avez dépassé le stade où la soie ne sait que voler en ligne droite au-dessus de votre tête et devient ingérable si elle dévie de cette rectitude.
Tout d’abord, pas d’énervement ! La soie est sur l’eau et, à moins qu’il n’y ait un courant de tous les diables, elle va rester là. Même mieux, on va lui laisser le temps de prendre ses aises et de se coller à l’eau. Bon, maintenant, on peut repartir dans l’autre sens. On reste au raz de l’eau jusqu’à la perpendiculaire du corps et on se met à monter progressivement selon une courbe elliptique. Beaucoup vont avoir tendance à monter beaucoup trop vite et je dirai même de partir de trop haut. À la fin du mouvement précédent, le sillon touchait presque l’eau à votre gauche. Il faut rester le plus longtemps possible à cette hauteur, d’une part pour charger la canne au maximum et d’autre part pour limiter le plus longtemps possible l’effet centrifuge. Si nous utilisons une horloge horizontale, le point de départ serait aux alentours de 10 h et peut-être même aux alentours de 9 h si vous avez beaucoup de soie sortie. Et votre canne va se retrouver aux alentours de 3 h. Elle va faire un demi-cercle ! Heureusement, l’ancrage se trouve vers 1 h, mais si vous tournez trop vite et que vous laissez trop de liberté à la soie, il est évident qu’elle va prendre le large.
Il reste maintenant le mouvement tournant
J’ai expliqué plusieurs fois qu’il était d’une importance capitale pour réussir le switch cast que la canne, la soie et le bas de ligne soient en alignement. Il vous est alors apparu évident que cette obligation limiter sévèrement les possibilités. Si vous pêchez dans une rivière ayant un fort courant, il y a toutes les chances pour qu’à la fin de votre action de pêche la soie soit effectivement alignée avec son bas de ligne, mais, pour répondre à l’axiome, votre canne devrait alors être parallèle à la berge. Dans le lancer spey classique, il serait temps de faire un double spey.